La tentation de l'impossible: Victor Hugo et «Les Misérables»
Après l'étude mémorable consacrée naguère à Madame Bovary dans L'orgie perpétuelle (1978), Mario Vargas Llosa renoue avec les grands essais littéraires, en se tournant vers le dernier éclat du romantisme, Les Misérables de Victor Hugo. S'appuyant sur une citation de Lamartine qui voyait dans ce roman " la tentation de l'impossible ", un danger contre la raison, l'écrivain péruvien découvre pour nous " une de ces œuvres qui ont incité le plus d'hommes à désirer un monde plus juste et plus beau ". Tout au long de ces pages, il se penche non seulement sur les titans que sont l'ex-bagnard Jean Valjean et son irréductible ennemi le policier Javert, mais aussi sur Cosette et les abominables Thénardier, sur le pur Gavroche et sur tous les autres personnages dont foisonne ce grand théâtre universel qu'est le roman de Victor Hugo. Ce dernier, " divin sténographe ", " Victor Hugo Océan ", tel qu'il aimait se présenter lui-même, est naturellement au centre de l'attention de Mario Vargas Llosa qui examine ici son cas avec un regard non seulement critique mais aussi amusé et désinvolte, non dépourvu d'humour. Et il nous fait comprendre comment ce grand créateur lance avec son roman un véritable défi à la Création car lui aussi, Victor Hugo, finit par nous montrer que " la vie réelle est petite et misérable en comparaison de la splendide réalité forgée par les fictions abouties, où la beauté des mots, l'élégance de la construction et l'efficacité des techniques font que même ce qui est le plus laid, le plus bas et le plus vil resplendit comme une réussite artistique ".