La pratique de l'esprit humain: L'institution asilaire et la révolution démocratique
Pouvoir social, pouvoir subjectif ; puissance sur l'autre, disposition de soi : rupture visible et bouleversement insensible, c'est de concert, indissolublement, aux origines de notre monde, que le lien collectif et le rapport de soi à soi se sont trouvés transformés. Le retour démocratique de la souveraineté entre les mains des hommes est allé strictement de pair avec un ébranlement secret, chez chacun de ces individus politiquement émancipés, des bases et des repères de sa possession de lui-même.
C'est à l'élucidation de certaines des voies et des formes qu'a empruntées, à l'aube du siècle dernier, cette réinvention fondatrice de l'univers humain-social que le présent ouvrage est consacré. Il s'attache au point privilégié de réfraction où la face manifeste et l'arrière occulte du changement se sont simultanément projetés et conjoints : la pratique de la folie.
Absence à autrui et étrangeté à soi, la folie a joué à la fois comme révélateur des virtualités nouvelles inscrites dans le pouvoir de la société sur ses membres (folie qu'on entreprend de traiter), et comme révélateur de la crise intime de la maîtrise consciente (folie qu'on s'efforce de penser).
L'asile, laboratoire politique où s'est déployé précocement et comme nulle part ailleurs l'exorbitant système substitutif qui s'est avéré, depuis, être partout la vérité cachée de la puissance de production d'eux-mêmes recouvrée par les hommes contre les dieux.