Manèges: Petite histoire argentine
Nous sommes en Argentine, à La Plata, en 1976, date du coup d’État militaire et du début de la « sale guerre » menée par la junte contre les opposants. La narratrice a huit ans, et ses parents appartiennent au mouvement révolutionnaire des Montoneros, principale cible de la répression. Elle vit dans un monde d’adultes apeurés, qui passent leur temps à se cacher, à déjouer les filatures et les délations. Dépositaire de secrets qui la dépassent, elle est privée de la vie normale d’une petite fille : elle ne doit se confier à personne, n’a pas d’amis, change de maison et de nom…
Quand son père est arrêté, elle s’installe avec sa mère dans la « maison aux lapins » : sous couvert d’un élevage industriel de lapins qui justifie les va-et-vient permanents d’hommes et de véhicules, l’endroit abrite l’imprimerie clandestine du mouvement. Car, selon les préceptes exposés par Edgar Poe dans La Lettre volée et repris par un théoricien du groupe, « il faut parfois savoir cacher en exhibant. » La mère, qui n’y croit guère, juge la cache peu sûre et décide de partir en exil. Finalement, toute la famille se retrouvera en France, alors que l’aventure de la « maison aux lapins » a fini par un massacre – comme toujours ou presque, il y a eu un traître.
Aujourd’hui, la « maison aux lapins » est devenu un mémorial de la résistance, et c’est à partir de ses souvenirs que Laura Alcoba a écrit ce roman de l’enfance privée d’enfance. Car, ici, les faits et les lieux évoqués sont réels. Et les « manèges » du titre désignent, tout autant que les manigances des adultes ou les mouvements de la mémoire, ces manèges de fête foraine où la fillette n’avait pas le droit de monter.