Lettres à Germaine Lucas-Championnière
Les jeunes gens se sont rencontrés en juin 1919 à un concert Koubitzky, salle Gaveau. L'armistice conclu, Dos Passos est à Paris en attendant sa démobilisation. Il a vingt-trois ans et profite de l'euphorie artistique qui règne dans la capitale au lendemain de la guerre. Passionnée de musique comme lui, excellente pianiste, Germaine Lucas-Championnière est une jeune femme de vingt-quatre ans issue d'une vieille famille de la noblesse vendéenne. Elle vit en dilettante, fréquentant des artistes et cultivant la mondanité. Le lendemain du concert, Dos Passos est invité à prendre le thé chez elle. Ils parlent musique, Germaine se met au piano, et une question anodine sur Darius Milhaud amorce une correspondance de cent soixante lettres, échangées pour la plupart entre 1919 et 1929.
Au cours de cette décennie, Dos Passos est sur la route : Espagne, Portugal, Iran, Irak, Syrie, Algérie, Maroc, Mexique, Russie... À chaque halte, il envoie un mot, un dessin, une carte postale ou une longue lettre. Attaché à la légèreté qu'ils entretiennent à deux, il écrit là où on ne l'attend pas : avec beaucoup de fraîcheur, il décrit et raconte, témoignant d'une grande attention aux paysages, aux décors, aux ambiances, au pittoresque et à la drôlerie de certaines situations.
Sans inhibitions, il croque dans la langue française comme dans la musique et dans les paysages. Il impose son style et nous charme.