China blues: Voyage au pays de l'harmonie précaire
Ensemble, Charles Reeve et Hsi Hsuan-Wou ont écrit un récit de voyage sur le capitalisme à la chinoise, Bureaucratie, bagnes et business (L’insomniaque, 1997). China blues est la suite de ce voyage, dix ans après.
On y rencontre, successivement, la chauffeuse de bus qui occupe tous ses loisirs à bavarder sur la Toile ; l’ouvrier au chômage qui organise la résistance à la destruction de son immeuble où doit être érigé le futur siège de la télévision centrale ; la militante de Green Peace Chine, parfaite représentante d’une des ONGOG (Organisation non gouvernementale organisée par le gouvernement !) qui pullulent aujourd’hui en Chine ; le loueur de vélos qui attend les bulldozers dans un des plus anciens quartiers de Pékin peu à peu détruit par le grand chantier des futurs Jeux olympiques ; le petit marchand de melons à la sauvette qui est au courant des révoltes dans les banlieues françaises et qui dénonce l’incurie des chefs du Parti ; l’ancien chanteur de rock de Hong Kong qui réalise des courts métrages pour défendre les droits des paysans ; l’ancien prisonnier qui explique que les camps de travail restent un outil indispensable au maintien de l’ordre social ; le SDF chinois de Paris qui raconte ses tribulations depuis qu’ils s’est fait escroquer par un passeur membre d’une des mafias chinoises ; le jeune producteur de cinéma branché qui croit à la nécessité du maintien d’un État fort, etc.
En tout, une trentaine de dialogues, accompagnés de nombreux documents originaux, brossent un tableau saisissant de la Chine, atelier du monde, pays de la « croissance » à deux chiffres, de la surexploitation des paysans déracinés, immigrés de l’intérieur, et de la répression brutale du moindre mouvement de protestation.