Des soviets au communisme bureaucratique: Les mécanismes d'une subversion
Le lecteur tient entre ses mains un des ouvrages qui a le plus marqué le renouvellement de l'histoire de la révolution russe.
En effet, d'entrée les analyses de Marc Ferro tranchèrent en 1980. Il ne s'agissait plus d'une histoire vue du point de vue démiurgique des grandes figures (le tsar, Kornilov, Kerenski, Lénine ou Trotski) ; mais, fondée sur des textes inédits, oubliés, ensevelis, l'analyse des mécanismes qui firent passer la société soviétique de la revendication démocratique à la bureaucratie autoritaire.
Ayant découvert (certains cartons n'avaient pas été ouverts) les milliers de messages et télégrammes que toutes les Russies ont avaient envoyés au Soviet de Petrograd sitôt l'annonce de la chute du tsarisme, Ferro révélait les aspirations des paysans, soldats, ouvriers, ligues de femmes, allogènes. Il écrivait la première histoire à partir d'en-bas .
Il observait d'abord que les organes de pouvoir (soviets, comités de quartier ou d'usines notamment) crées spontanément dans l'élan des manifestations des journées populaires de février furent rapidement colonisés par les représentants des grandes organisations ouvrières et des partis politiques qui existaient sous le tsarisme - au premier rang desquels, les bolcheviks.
De ce fait, la greffe de ces institutions sur le parti bolchevik, avant Octobre et après, fut la manifestation de la double bureaucratisation qui s'était nouée : par en bas et par en haut.
L'institutionnalisation du parti bolchevik comme seule instance dirigeante de l'État, suite à la mise hors la loi de tous les autres partis, se redoubla du contrôle du sur lesdes soviets de députés et autres comités bientôt dessaisis de leurs pouvoirs, et de l'élimination d'institutions jugées rivales. Le socialisme totalitaire avait triomphé.
Avant-propos inédit.