L'amour, accessoires
L'aventure commerciale dont Fleur Breteau témoigne dans L'amour, accessoires commence avec la rencontre d'Hervé, un entrepreneur iconoclaste persuadé qu'il existe un créneau porteur encore inexploité : « le développement durable du couple ». Ainsi naît le concept de lovestore, commerce de gadgets érotiques haut-de-gamme pour femmes et couples, qui s'oppose au modèle du sex-shop à l'ancienne. Forcément touche-à-tout au lancement des premiers magasins, elle se prend au jeu et y développe diverses compétences six années durant, se sentant peu à peu investie d'une responsabilité vertigineuse face aux vieux tabous, fantasmes éculés et frustrations secrètes qui motivent à mots couverts la plupart des achats, même s'il est de bon ton de croire que l'époque contemporaine bénéficie de plusieurs décennies d'émancipation sexuelle.
Multipliant les saynètes cocasses, mordantes et sensibles, la narratrice, toujours élégamment distanciée, nous y révèle les interrogations gênées des client(e)s, la diplomatie discrète des vendeuses, bref le quotidien de la boutique où elle officie comme une petite main « invisible de l'industrie de l'amour ». D'une bienveillance hors pair, Fleur ne se contente pas de vendre des sextoys et autres lubrifiants pour le plaisir du couple - et de sa part féminine en premier lieu -, mais prodigue des conseils sur mesure. Avec diplomatie ou franchise, il lui faut venir au secours de ses visiteurs des deux sexes, anticiper leur désarroi ou même décourager certains quand ils cèdent à la facilité du vibromasseur exutoire. En matière d'ersatz libidinaux, elle valorise la singularité contre le conformisme, rappelle l'importance du consentement mutuel et défend la complémentarité du sentimental et de l'accessoire.
Pour nous révéler les candeurs et mystères d'un commerce atypique - celui des prothèses érotiques -, Fleur Breteau a su trouver le ton juste, d'une délicatesse chatoyante et d'un humour vivifiant. Et si sa chronique touche à la part la plus crue de nos intimités, c'est sans impudeur ni vulgarité, à travers le regard acéré et empathique d'une femme qui a le goût des autres et aucune attirance pour la « pensée sexuelle unique ».