Deux fois né
Un trentenaire, petit-fils d'un célèbre acteur grec (Alekos Alexandrakis), apprend que sa mère, Claire-Hélène - soi-disant veuve et scénariste à l'imagination fertile - lui a menti sur son origine, dont elle a inventé toutes sortes de versions. Son père n'est pas mort comme elle l'a toujours prétendu, il n'a tout simplement jamais su qu'il avait un fils. Le narrateur passe, en un aveu impromptu, du statut d'orphelin à celui de « bâtard ». Cette révélation infuse en lui, le pousse à de nombreuses recherches, et, l'hiver suivant, il décide d'aller à la rencontre de ce « Géniteur » potentiel. Il va en parallèle et par tous les moyens tenter de comprendre de quoi est faite sa nouvelle identité.
Ce récit à fort ancrage autobiographique condense en une année cruciale, à cheval sur 2011 et 2012, une enquête généalogique se muant peu à peu en quête existentielle. Le voilà lancé sur les traces de son supposé père, Yevette Tsunodapoulos, un sexagénaire demeurant à Athènes.
Dans la foulée, il s'initie à l'alphabet grec, tout en décryptant l'actualité politico-économique de ce « mouton noir » de l'Union Européenne (crise de la dette et résistance libertaire aux exactions des néo-nazis de l'Aube Dorée). Puisant dans ses maigres économies, il se rend sur place à diverses reprises, entre en contact avec le « Géniteur » : un scénariste de renom à la santé désormais fragile. Au terme de ce parcours initiatique riche en digressions, le pseudo fils finira par « presque-parler grec », non sans s'apercevoir in fine que son père et lui n'ont pas forcément grand-chose à voir ni à se dire.
Dans une langue énergique se nourrissant de ses propres doutes, Constantin Alexandrakis nous plonge au coeur des affres et jouissances d'un trentenaire dont les assises sont ébranlées. Il fabrique sous nos yeux une réflexion sur les boucles du destin, les simulacres de l'identité, les mystères de la naissance. Et celui qui avoue se sentir « Ulysse en plus bête avec une maladie de peau » inscrit son lyrisme envoûtant et concret dans une épopée de la bâtardise assumée avec une tendre désinvolture.