Cadence: Essai autobiographique
« Jamais je n'ai voulu être un autre plus violemment que pendant mon enfance. Tout ce qui n'était pas moi me semblait désirable et supérieur, comme un malade jalouse l'infirmière qui, penchée sur lui, sent encore le savon du matin : les êtres, plus forts, plus heureux, mais aussi les objets, les animaux, les arbres, les lieux - et jusqu'à certaines heures, qui exerçaient sur moi une puissance que je leur enviais. J'aurais voulu être une rue, pour n'avoir pas à me déplacer, un cahier neuf, aux angles propres et carrés, un professeur qui savait tout, une fille, pour avoir des seins que j'aurais pu caresser jour et nuit. Au lieu de quoi je n'étais que moi-même, un petit garçon désertique et impatient. » Dans cette autobiographie légère, profonde, construite comme une cadence de concerto, libre et thématique, Jacques Drillon, tel un Antoine Doinel lecteur de Rousseau, se prend lui-même pour personnage, évoluant dans la province des années soixante. S'il ne s'interdit aucune digression, c'est pour mieux attester la diversité des rencontres, des idées, des lignes de force, et pour le plaisir du récit, du portrait subtil, du billet d'humeur... Il raconte ses années de formation - intellectuelle autant que sensuelle - avec humour et brio, tour à tour tendre et féroce à l'égard de ses proches et des autres, célèbres ou non. Par une écriture limpide, maniant l'art de la pointe, de la métaphore, de la scène-tableau, Jacques Drillon nous communique sa passion pour Saint-Simon, Voltaire, Baudelaire, Rimbaud, La Fontaine, Érasme, Melville... et son amour pour la musique, qui l'a nourri, au propre comme au figuré. On le suit en confiance, mais sûr qu'il nous mènera sur des chemins peu frayés.