Sans la miséricorde du Christ
«S'il y avait eu un autre témoin, je lui céderais volontiers la place, ici, pour qu'il mène à bien le récit de la vie d'Adélaïde Marèse, telle qu'elle me la laissa entrevoir au fil des quelques mois où nos exils coïncidèrent. Je ne sais pas trop à quoi j'obéis en essayant de préserver par l'écrit une vie dont les jours ne s'éclairèrent d'aucune gloire, qui fut toute de discrétion et de secrète intransigeance, d'autant plus que je tends à croire que si une chose est exemplaire en ce monde, toutes le sont : ou bien les célébrations de la mémoire sont toutes méritées, ou bien aucune. Nous ne savons pas pourquoi nous agissons ; la vie se sert de nous pour faire des échanges qui nous dépassent. Je tâcherai de décrire le cheminement d'une femme depuis les jours de ce qu'elle appelait le continent austral et qui est morte un dimanche, il y a quelques semaines, à Paris, dans l'une des nefs de l'hôpital Saint-Louis, après avoir vécu ses derniers mois dans le quartier du faubourg Saint-Denis où quelques personnes garderont, avant de s'en aller à leur tour, juste le souvenir de sa silhouette d'institutrice.».