La convocation
Roumanie années Ceausescu : la dictature pèse sur le pays comme une chape de plomb. Le pouvoir surveille les moindres gestes, contrôle toute activité culturelle ou toute forme d'expression artistique, jusqu'à rendre fous aussi bien les surveillés que les surveillants. La narratrice, ouvrière dans une usine qui travaille pour l'Italie, a été convoquée par la Securitate. Depuis son passage à l'usine de confection où elle a glissé un SOS dans la doublure d'un vêtement de luxe qu'elle cousait pour une maison italienne, ils ne la lâchent plus. Chaque semaine, chaque jour, leur rendre des comptes, élaborer des scénarios pour répondre à leurs questions, se justifier, s'entraîner à supporter la douleur, ne pas perdre la tête. Dans le tramway, elle lutte contre l'angoisse qui la submerge et le sentiment d'humiliation mentale que son tortionnaire va s'ingénier à provoquer. Pendant le trajet, elle voit en flash-back les principaux épisodes de sa vie. Elle doit résister. Elle regarde aussi les passagers autour d'elle et décide de ne pas se rendre à la convocation. L'écriture serrée d'Herta Müller et la force de son langage font de son roman un témoignage et un poème nerveux et inquiétant. Une forme esthétique de la résistance, celle de la dernière génération d'écrivains roumains de langue allemande, confrontés à l'isolement de la dictature et à l'abîme de l'exil.
«Je m’arrêtai en titubant, les jambes en coton, les mains lourdes. J’étais brûlante et gelée en même temps, je n’avais pas couru loin du tout, juste un bout de chemin, c’était seulement vers l’intérieur que j’avais parcouru la moitié de la terre.»