Conférence du Nobel
« Joue le jeu. Ne sois pas le personnage principal. Cherche la confrontation. Mais n'aie pas d'intentions. Evite les arrière-pensées. Ne tais rien. Sois doux et fort. Implique-toi et méprise la victoire. N'observe pas. N'examine pas, mais reste prêt pour les signes. Sois ébranlable. Montre tes yeux, entraîne les autres dans la profondeur, prends soin de l'espace et considère chacun dans son image. Ne décide qu'enthousiasmé ».
C'est par ces mots, reprenant la célèbre invitation faite dans le poème dramatique Par les villages (Gallimard, 1983), que Peter Handke a ouvert son discours de réception du Nobel en décembre dernier, à Stockholm. Il nous invite, dans ce bref texte qui le reproduit, à entrer pleinement dans sa poétique, décrite de façon très personnelle et souvent au moyen d'anecdotes venues de l'enfance. La mère de l'auteur, et ses langues (le slovène et l'allemand de la Carinthie), ont en effet joué un rôle crucial dans la vie d'écrivain de Handke, et sont évoquées au même titre que des références aussi diverses que les westerns de John Ford, une chanson de Bob Marley et des litanies slaves entendues sous les arcs romans d'une église. Ce discours prend ainsi des allures d'autobiographie littéraire capable d'éclairer les livres de Peter Handke, qu'il appelle ses « excursions épiques », ses « expéditions-en solitaire », et offre un portrait étonnant, presque intime, du grand écrivain autrichien.