La fabrique du pré
Nuit du 19 au 20 juillet 1961
(les Fleurys)
Voici pourquoi j’ai vécu
Goûtant un vif plaisir à ne rien faire que provoquer par ma seule présence (chargée d’une sorte d’aimantation à l’être des choses) — cette présence étant en quelque façon exemplaire : par l’intensité de son calme (souriant, bienveillant), par la force de son attente, par la force d’exemple de son existence accomplie dans le calme, dans le repos, par la force d’exemple de sa santé — que provoquer une intensification vraie, authentique, sans fard de la nature des êtres et des choses, qu’à l’attendre, qu’à attendre ce moment-là.
À ne rien faire qu’à attendre leur déclaration particulière.
Puis à la fixer, l’attester : à l’immobiliser à la pétrifier (dit Sartre) pour l’éternité, à la satisfaire ou encore à l’aider (sans moi ce ne serait pas possible) à se satisfaire.
À ne rien faire qu’écrire lentement noir sur blanc, très lentement, attentivement, très noir sur très blanc.
Je me suis allongé aux côtés des êtres et des choses la plume à la main, et mon écritoire (une page blanche) sur les genoux.
J’ai écrit, cela a été publié, j’ai vécu.
J’ai écrit. Ils ont vécu, j’ai vécu.