Peintres femmes 1780-1830: Naissance d'un combat
Pourquoi y a-t-il eu des femmes artistes ? Le demi-siècle qui court des années prérévolutionnaires à la Restauration voit s'articuler la féminisation de l'espace des beaux-arts avec la transformation de l'organisation de l'espace de production artistique (administration, formation, exposition, critique) et une mutation du goût comme des pratiques sociales relatives à l'art. Si la perception de la période est phagocytée par les figures de David et celles des « trois G. » (Gérard, Gros, Girodet), les peintres femmes n'en sont pas absentes : après le « coup de théâtre » de la réception à l'Académie royale de peinture d'Élisabeth Vigée-Lebrun et Adélaïde Labille-Guiard en 1783, les noms le plus souvent cités sont ceux de Marie-Guillemine Benoît (et son célèbre Portrait d'une négresse ), Angélique Mongez pour ses grandes machines historiques davidiennes, Marguerite Gérard qui a sur vécu stylistiquement au goût Rococo et à la renommée de Fragonard, dont elle fut l'élève puis la collaboratrice, ou bien encore Constance Mayer, dont le suicide semble l'avoir sauvée de l'oubli davantage que son oeuvre souvent réattribuée à Prud'hon, son compagnon de vie et d'atelier. Plutôt que d'étudier, à la suite des feminist et gender studies , les raisons historiques de l'absence de « grandes » femmes artistes (interdiction de pratiquer le nu, et donc la peinture d'histoire, niveau moindre de formation, numerus clausus à l'académie royale...), la relecture des livrets des salons (avec les commentaires des oeuvres, les noms des exposant-e-s, les articles de la presse en pleine expansion à cette époque, les oeuvres ellesmêmes) permet de redonner toute leur place aux témoins et aux acteurs de l'époque.