L'identité, pour quoi faire ?
Parce qu'on l'associe spontanément, aujourd'hui, à une série d'inquiétudes portant sur la culture, les traditions, les manières de vivre, et parce qu'elle peut nourrir une rhétorique d'exclusion, voire de violente intolérance, la notion d'identité est parfois réduite à ses enjeux les plus périlleux. Or elle dépasse de loin ces seuls débats. Avant même de toucher à la politique, la question de l'identité s'impose à tout individu conscient, sous la forme de ce mystère que Francis Wolff résumait ainsi : « Je suis toujours le même comme une chose et pourtant je suis, comme les événements, cause de certains événements, mes actes. Je change sans cesse et pourtant je suis toujours celui que j'ai toujours été. Mystère de l'identité : qui suis-je ? » Cette interrogation, qui engage la façon dont une vie peut faire continuité, concerne chacune et chacun. Evacuer « l'identité », en faire un mot maudit, un mot moisi, sous prétexte qu'il provoquerait une dérive « essentialiste », ce serait passer à côté de l'essentiel. Ce serait ignorer que, pour déconstruire l'identité, il faut d'abord en affirmer l'épaisseur humaine, et même, peut-être, en revendiquer la puissance émancipatrice.