Le Père - La Mère - Le Fils
Même si les pièces de cette « trilogie familiale », semblent indépendantes les unes des autres, de par leur sujet et leurs faibles échos réciproques, on retrouve dans chacune les principaux personnages que sont Anne, la mère, Pierre, le père, et Nicolas, le fils. Les sujets, douloureux, n'empêchent pas l'humour de certaines répliques. Les scènes opèrent parfois des retours en arrière, comme pour changer le cours des événements, ou comme une consolation pour le personnage qui, probablement, ne fait que les imaginer. Le Père met en scène André, un homme de 80 ans , probablement atteint de la maladie d'Alzheimer. Désemparée, sa fille Anne se démène pour lui venir en aide, lui procurant des infirmières qu'il décourage aussitôt. La maladie progresse avec les oublis, les hallucinations, le délire de persécution, la confusion des lieux et des êtres, mais aussi avec l'étonnante logique d'André dans sa façon de rétorquer et de se défendre, son désir farouche d'indépendance, son refus d'être traité comme un enfant et ses éclairs de lucidité: « J'ai l'impression de perdre toutes mes feuilles, les uns après les autres. » Il ne comprend pas l'inquiétude de sa fille, lui qui n'a rien demandé. Elle l'installe dans l'appartement qu'elle partage avec Pierre, son mari, mais ce dernier s'insurge contre cette présence si perturbante. Anne devra se résoudre à faire admettre son père dans un établissement spécialisé. La Mère exprime le désarroi d'Anne, une femme confrontée à cette période délicate où les enfants s'éloignent, où Pierre, son mari, s'absente de plus en plus souvent, sous des prétextes professionnels. L'alcool et les somnifères accentuent son sentiment d'abandon, de trahison, mais aussi l'amour démesuré et envahissant qu'elle porte à son fils Nicolas. Ce dernier revient d'ailleurs chez elle, mais ce retour, et les propos qu'ils échangent alors, sont peut-être seulement rêvés par Anne. D'où des paroles en boucles, des débuts de scène qui se répètent, comme si l'on reprenait les choses chaque fois à leur début. Un voisin la trouvera inanimée. A l'hôpital, le père et le fils, ombres impuissantes, sont à son chevet. Il ne reste plusalors à Anne que le réconfort des images du passé. Le Fils aborde un autre sujet tragique: celui de l'adolescence parfois insurmontable pour celui qui s'y trouve confronté (en l'occurrence, il s'agit d'un Nicolas plus jeune que celui de la pièce précédente) mais aussi pour ses parents. Anne et Pierre ont divorcé (ce dernier étant en couple avec Sofia, dont il a eu un autre fils, Sacha, encore bébé). Nicolas vit avec sa mère, mais, délaissant l'école et ses amis, il se réfugie chez son père pour tenter d'échapper aux reproches d'Anne, reproches qui reviennent fatalement sous ce nouveau toit. Père et mère tentent tout, dialogue, patience, compréhension, colère parfois, mais leurs paroles glissent sur Nicolas qui se contente, du moins en apparence, d'associer son mal-être à la séparation de ses parents. Or le mal est beaucoup plus profond, et finira par l'emporter, au moment même où ses parents reprenaient espoir.