Les derniers outrages
" Si l'un de nous disparaissait, l'autre aurait assez de souvenirs pour meubler les années jusqu'à sa mort. " Qui, de toi, de moi, s'exprime ainsi ? Puisque dire de soi n'est, après tout, que dire qui est au coeur de soi. " ... Puis, quand l'un sera mort, - car la vie était trop belle, - que l'autre garde précieusement sa mémoire pour lui faire un rempart contre les bassesses, un recours contre les défaillances, ou plutôt comme un oratoire domestique où il ira murmurer ses chagrins et détendre son coeur... Est-ce ainsi ? que dois-je faire ? réponds-moi ! - Et si ce souvenir est l'éternel aliment de son désespoir, ce sera, du moins, une compagnie dans sa solitude " (Flaubert, préface aux Dernières chansons de Louis Bouilhet). Qui, de toi, de moi, prononce aujourd'hui ces paroles ? Comme des fruits cueillis à la fin de l'été, disposés sur des planches, mis à mûrir jusqu'au printemps suivant, ainsi des souvenirs habitent la mémoire pour éclairer encore le temps qu'il nous reste à vivre. Mais, d'un été à l'autre, il y a la blancheur de la neige.