Palais de glace
Les poètes, les enfants, les simples d'esprit ont reçu la grâce de voir au-delà des apparences, d'entendre l'inaudible et de se trouver directement au coeur de l'essentiel. Le don de Tarjei Vesaas, peut-être le plus grand écrivain norvégien de ce siècle (1897-1970), aura été de savoir abolir la dérisoire ligne de démarcation entre vie et mort, solitude et présence. Il n'y a pas d'explication toute prête à proposer de ce chef-d'oeuvre qu'est Palais de glace, tant la symbolique en est riche et les harmoniques multiples. Peut-être ne s'agit-il que d'une variation intensément poétique sur le grand secret du thème sacré : l'amour plus fort que la mort. Les deux petites filles qui s'aiment à en mourir, qui aiment l'amour plus qu'elles-mêmes réalisent leur rêve fou, l'une dans la fantastique splendeur de la cascade figée par le gel en un sublime château de glace, l'autre dans un immatériel palais du souvenir. Et l'art de Vesaas, fait d'approches timides, d'élans retenus, d'ébauches à demi suggérées édifie en un texte impeccable un mausolée d'images prestigieuses, de phrases chantantes qui atteint une perfection narrative rarement égalée dans son oeuvre.