Pierre le Grand
Colosse primitif, gorge de sève, obéissant à des instincts élémentaires, Pierre le Grand (1672-1725), que Catherine la Grande considérait comme son précurseur et maître, s'est abattu sur son pays comme une tornade. Avec une énergie et une férocité incroyables, il a secoué ses compatriotes, bousculant toutes les traditions, coupant les barbes et les têtes, imposant des vêtements et des idées à l'européenne, apprenant lui-même tous les métiers, maniant le compas et la hache, arrachant les dents et construisant des bateaux, guerroyant sans répit contre la Turquie, contre la Suède, sacrifiant des centaines de milliers d'hommes pour bâtir Saint-Pétersbourg sur un marécage, mettant au pas l'Eglise, inventant des cérémonies blasphématoires, des farces énormes qui le faisaient rire aux éclats, jetant sa première épouse, pieuse et docile, dans un couvent et la remplaçant par une simple servante, maudissant son fils qui avait osé critiquer sa politique et le livrant au supplice sans le moindre remords. Il y a en Pierre le Grand un mélange de génie et de folie, de bouffonneries et d'orgueil, qui fait de lui un personnage fascinant, dressé de toute sa taille sur le fond grouillant, barbare et mystérieux de la vieille Russie.