Le règne de Louis XIV
" L'État, c'est moi ", la médiocre intelligence du roi, le pouvoir malfaisant de Mme de Maintenon, l'or ruisselant à Versailles au détriment du reste du royaume, la domestication de la noblesse... la liste des lieux communs qui s'attachent au règne de Louis XIV semble infinie. Il y a du vrai, d'ailleurs, là-dedans, et aussi bien des sottises. Car en soixante-douze années de règne, de nombreux témoins ont été semés en chemin, qui n'ont pas bâti comme Saint-Simon une horlogerie magnifique mais parfois trompeuse. Écoutons-les, ces témoins, pour prendre la mesure du règne de Louis : cet humble curé qui, du fond de sa province, guette le passage de la cour sur la route des Flandres pour présenter une requête au roi ; cette favorite fatiguée de la vitalité d'un souverain aussi jouisseur qu'acharné au travail ; ce marin assoiffé de conquêtes à qui s'ouvre l'immensité du monde, des Indes à l'Amérique ; ce monarque Habsbourg inquiet ou jaloux des appétits français ; ce courtisan qui s'agace de piétiner dans la puanteur du chantier de Versailles, et pour qui le roi est proie autant qu'il est Soleil... Au fil de ce livre surgissent la personnalité exceptionnelle du roi et l'emprise grandissante de son État. Mais ce qui apparaît aussi, c'est que les Français surent à la fois en tirer profit, s'en protéger autant que possible, voire opposer des résistances trop sous-estimées. Nous avons oublié à quel point le règne de Louis XIV fut divers et souple - à mille lieues de l'absolutisme roide que nous imaginons.