François Rabelais : "Pantagruel - Gargantua"
Michelet voyait en Pantagruel et Garganiun l'Hiande et l'Odyssée du patrimoine littéraire français. De fait, la saga des géants ne peut guère se comparer qu'aux grandes épopées fondatrices dont la démiurgie homérique offre le modèle universel. Suscités par une époque qui voit notre jeune langue affirmer ses titres de noblesse, les récits jumeaux du père et du fils bénéficient dans la conscience collective d'une image de renouveau, d'insolente surabondance et de subversion gaillarde. Reste que toutes les qualités dont on crédite spontanément Rabelais ne sont peut-être que le paravent d'une perplexité ou d'une esquive. Il faut reconnaître, d'une manière générale, que le couple de géants intimide, et que l'on ne confronte guère Pantagruel et Garganiua aux questions de notre siècle. Par la profusion souvent rebutante de son lexique, par la complexité de son outillage rebutante de son lexique, par la complexité de son outillage intellectuel, l'univers de Rabelais risque de s'éloigner irrémédiablement du nôtre. Pourtant, la problématique rabelaisienne devrait trouver une résonance maximale dans les incertitudes de notre époque. Comment s'articulent le langage et l'action ? Est-il possible de s'entendre par-delà la disparité des systèmes de valeurs ? La parole peut-elle conjurer les jaillissements de la violence ? Telles sont, parmi d'autres, les questions que soulève la double épopée bouffonne.