L'unité de la physique
L'idée selon laquelle la diversité du réel serait sous-tendue par une unité plus profonde est aussi ancienne que la pensée elle-même. On la trouve déjà dans les grandes mythologies et les premières philosophies. La science moderne en a repris le programme en unifiant d'abord les conceptions de mouvement, de la matière et de l'espace. C'est que le désir d'intelligibilité ne peut sans doute pas se passer de l'idée de Un. Toutefois, il ne suffit pas d'inscrire pareille tendance dans la nature humaine pour en valider les réalisations. L'unité qu'on proclame peut très bien se révéler fausse, procéder de la simple incantation ou du fantasme, et exercer une fascination toute dogmatique. Reste que si la pensée parvenait à découvrir, dans les miroirs changeants des phénomènes, des relations éternelles qui les puissent résumer, on pourrait certainement parler d'un bonheur de l'esprit. A défaut d'être une trame nécessaire de la pensée, le désir d'unité correspond à une nostalgie, à un appétit d'absolu, à une impatience entologique. Mais aussitôt exprimé, il s'oppose à l'irréductible dispersion des choses. De là semble naître un divorce entre l'esprit qui désire et le monde qui déçoit. En cette fin de XXème siècle, la puissance de plus en plus affirmée des théories physiques, leur caractère englobant comme leur visée radicalement unitaire, incitent à interroger les fondements de la quête de l'unité que poursuivent les physiciens, à cerner ses limites et à envisager ses perspectives.