Quelqu'un à qui parler : Histoire de la voix intérieure
Valorisée par les Anciens, ignorée des Modernes, la voix intérieure est enfin à l'ordre du jour des sciences de l'homme. Cette voix intime qui m'interpelle, me parle, me susurre ou me crie à l'oreille, pour m'accabler, me réconforter, commenter ce qui advient ou me faire la lecture, n'est pas seulement là pour m'encombrer de sa compagnie ; elle confère à la vie humaine une profondeur délibérative et un recul face au cours du monde.
L'idée même d'une intériorité psychique est en effet tributaire de la possibilité de s'entretenir à tout instant avec soi-même. Nul besoin de faire appel à une substance métaphysique (âme, esprit, psychisme) pour jouir d'une vie intérieure : j'entretiens un rapport social avec moi-même et je dois vivre sous la pression de l'autre voix. Pensée, fiction, atelier intime, individualité, posture morale, compagnie imaginaire, cette voix que nous expérimentons tous est à la fois l'agent du collectif (langue commune) et le vecteur de l'individuel (porte-parole du moi).