Deals de justice : Le marché américain de l'obéissance mondialisée
Corruption, blanchiment, évasion fiscale, contournement des sanctions internationales... Les autorités de régulation américaines traquent ces pratiques chez les entreprises transnationales qui, si elles sont avérées, peuvent entraîner des sanctions considérables : procès à rallonges, mises en causes personnelles, pénalités as-tronomiques et, plus grave encore, préjudice porté à la réputation de l'entreprise. Devant ces menaces et la perspective de se voir interdire l'accès au marché américain, mieux vaut souvent coopérer en mettant en oeuvre une nouvelle logique. L'entreprise suspectée doit alors renoncer à se défendre judiciairement, pratiquer elle-même des enquêtes internes poussées, s'acquitter d'amendes colossales et mettre en place des processus de compliance lourds et coûteux ; en bref : acheter la paix avec les autorités américaines. Cette justice sans la Justice n'a-t-elle pas le mérite de l'efficacité ? Ne préfigure-t-elle pas aussi un nouveau mode de régulation globale ? N'annonce-t-elle pas un nouveau régime d'obéissance mondialisée où l'on demande à chacun - sujet ou entreprise - de se faire le juge et le dénonciateur de lui-même ?