Qui a peur de la déconstruction ?
Un spectre hante l'université française : le spectre de la déconstruction. Crée par Jacques Derrida à la fin des années 1960, il est devenu, dans l'esprit des réactionnaires de tout poil, le mot-valise désignant tout ce qu'ils haïssent dans la pensée, lorsque celle-ci cherche à émanciper davantage qu'à ordonner. Dégénérescence de la culture, mépris pour les grandes oeuvres, délire interprétatif, amphigouri linguistique, danger politique, confusion sexuelle, licence morale : à en croire les ennemis de la déconstruction, tout ce qui va mal dans le monde lui est imputable. Mais que signifie cette peur ? Que signifie la fixation frénétique d'une frange d'intellectuels pour tout ce qui peut ressembler à une pensée différente, libre, inventive et fondamentalement démocratique ? Que cela signifie-t-il, si ce n'est la volonté de policer la pensée et ses institutions, pour pouvoir mieux, ensuite, policer les corps ? Telle est, en tout cas, l'interrogation qui a présidé au colloque « Qui a peur de la déconstruction », qui s'est tenu à la Sorbonne en janvier 2023. Il a fait scandale chez les tenants de la police. En voici les actes.