Notre liberté contre leur libéralisme (1968-2018)
Il est des célébrations qui se terminent en enterrement. Le cinquantième anniversaire de Mai 68 ne doit pas être de ceux-là. Le plus grand mouvement social du XXe siècle doit donner du grain à moudre aux tenants de l'émancipation humaine. Le fil de ce souffle contestataire doit être tiré, celui mêlant conflictualité de classe et remise en cause du consumérisme, de la domination masculine ou encore de l'impérialisme. Or la lecture dominante, avec son image d'Epinal figurant une horde d'étudiants revendiquant la libération sexuelle, semble l'avoir emporté sur la réalité de l'événement. Les nouvelles générations savent-elles que la plus grande grève générale s'est produite en 1968, avec près de 10 millions de personnes mobilisées dans notre pays, dépassant largement 1936 ? Cette histoire doit être connue, reconnue. Et la filiation de 1968 ne saurait être accaparée par ceux qui ont transformé l'aspiration à la liberté en libéralisme économique débridé. Les " années 1968 ", pour reprendre le terme des historiens des temps présents, ont vu fleurir des rébellions et des expérimentations fécondes. La créativité foisonnante de l'époque nourrit un imaginaire dont nous avons besoin aujourd'hui pour sortir des injonctions marchandes ou de la surveillance généralisée.