Conversations à Jassy
En 1996, Pierre Pachet se rend dans le nord de la Roumanie, dans la ville de Iasi. Ce n'est pas la première fois qu'il va dans un pays que l'expérience du communisme a écrasé, pour goûter l'atmosphère qu'on y respire, écouter les gens, se situer par rapport à cette histoire.
Cette fois-ci, les choses tournent autrement : peut-être parce que le père de Pierre Pachet était lui-même originaire de cette région de l'Europe. Le voyageur veut aller plus loin et plus profond, remonter, en dessous même des malheurs engendrés par le communisme, jusqu'à l'antisémitisme, jusqu'à la xénophobie qui a été si longtemps intimement liée au nationalisme roumain. Sous la ville contemporaine de Iasi, il veut revoir la ville de Jassy, jadis riche d'une forte population juive, et le pogrom de juin 1941 tel que Malaparte l'évoque dans d'inoubliables pages de Kaputt.
Au-delà de l'actuelle province roumaine de Moldavie, il se fait expliquer ce qu'est la Moldavie indépendante, ce que furent la Bucovine, la Bessarabie où vivait son grand-père, la Transnistrie où tant de Juifs furent déportés. Les conversations, les lectures, les réflexions s'organisent en une enquête sur ce qui a eu lieu : en 1941, en 1943, en 1947, en 1989. Le lieu où se tiennent ces conversations, auquel elles veulent se tenir, est marqué par des frontières, des annexions, des expulsions, des violences contre les anciens voisins. La tentation y est forte, pour chacun, de rester accroché à son malheur, à son point de vue.