Le Souffle de la pierre d'Irlande, Tome 1 : Le feu

La nouvelle tomba un soir de juin : «On y restera six mois ! me dit maman. Je t'inscrirai dans un collège et tu réintégreras l'école Saint-Joseph à notre retour. Ça ne te fera pas de mal de pratiquer un peu l'anglais.» J'étais habitué aux grands projets de maman. Depuis la mort de papa, elle ne cessait d'annoncer des voyages dans des contrées lointaines, s'enflammait pendant quelques jours et renonçait au bout d'une semaine. Là, les choses se présentaient différemment : pas d'euphorie ni de hourra ! intempestif. Elle était étonnamment calme. Il n'était plus question d'île de Pâques ou de ces îles du bout du monde, le genre de voyage qu'elle ne réalisait finalement que dans ses rêves. Non, cette fois-ci, c'était l'Irlande et ça sonnait vrai. L'Irlande... L'île où était né papa. Maman et lui s'étaient rencontrés dans un pub du Connemara et, depuis, ils ne s'étaient plus quittés... jusqu'à l'accident. «Tu te souviens de cette tombe dont je t'ai parlé ?» Je réfléchis sans trop de conviction. «Tu en as fouillé tellement ! - Arrête, William ! Je te parle de cette tombe que ton père cherchait dans le Connemara. J'ai réuni assez d'argent pour rester six mois là-bas. Et je la trouverai...» L'Irlande, c'était aussi le pays où papa avait disparu. Elle dut sentir mon appréhension. «Je sais... Ce ne sera pas facile. Mais la découverte de cette tombe changera notre vie. On parlera de moi, on me confiera à nouveau des fouilles. Et puis, il serait quand même temps que tu connaisses le pays de ton père ! 11 rêvait de t'y emmener. - J'ai oublié les mots qu'il m'avait appris. - C'était du gaélique. En Irlande, presque tous les gens te parleront anglais.» Elle tourna les talons et se dirigea vers la vieille commode du salon. «Mais si tu tiens absolument à retrouver la langue de ton père, lança-t-elle en sortant une cassette d'un tiroir. L'irlandais en quarante leçons ! Avec ça, tu as de quoi t'occuper pendant des semaines.» Un grand oiseau s'éleva à cet instant du jardin. Je pointai mon nez à la fenêtre et le vis prendre la direction du soleil couchant.