La Tunique d'infamie
Je me demandais pourquoi l'inquisiteur Manrique m'obsédait à ce point. Je tentais d'éclaircir nos rapports, cherchais à me rappeler à quel moment il était entré dans ma vie. J'avais la sensation qu'il vivait en moi depuis l'enfance et, que de roman en récit, sa silhouette traversait tous mes livres. L'aurais-je poursuivi à l'autre bout de l'Europe s'il n'était qu'un caractère singulier ? Je devinais son histoire que je ne connaîtrais toutefois qu'après l'avoir écrite. Je ne savais de lui que des bribes : son enfance à Soria, ses études, son amour - un amour unique et vertigineux -, sa chute à Grenade. A quoi rime, me disais-je, de passer tant d'années en compagnie d'un inquisiteur disparu depuis plus de trois siècles ? Je devais pressentir que cet ennemi des juifs finirait par me livrer son secret et le secret de sa honte. N'ai-je pas révélé les miens ? Ne m'a-t-il pas choisi pour ça ?