La haine et le pardon : Pouvoirs et limites de la psychanalyse III
L'humanisme rationaliste a échoué dans l'horreur totalitaire du XXe siècle, il faut le constater. Pour autant, avons-nous besoin d'une autorité supérieure destinée à réguler la course effrénée de la liberté ? Avons-nous besoin d'une conscience conservatrice qui se nourrirait de la foi ? En contrepoint à cette hypothèse, Julia Kristeva propose ceci : les démocraties sont désormais confrontées à des expériences pré- et transpolitiques qui rendent caduc tout appel au couple raison/révélation ; elles s'acheminent d'ores et déjà, et sans recours à l'irrationnel, vers une refondation de l'humanisme issu des Lumières. C'est précisément en ce point névralgique de la modernité que se situent l'expérience littéraire et la découverte freudienne de l'inconscient - sublimation de l'amour et de la haine, élucidation de l'amour et de la haine. Différemment et en écho, la littérature et la psychanalyse nous aident à lire et à interpréter aussi bien les risques de la parole d'amour que ceux du désir de mort. En ces temps post-modernes de guerre sans fin qui voient s'affronter les religions, il n'est pas inutile de revenir à l'interprétation psychanalytique. En révélant le destin multiface de la haine qui fait et défait l'espèce humaine, elle se propose à nous comme l'intelligence ultime de ce pardon dont la vie psychique a besoin pour continuer à vivre, tout simplement, sans pour autant cesser tout à fait de haïr.