Corée l'absente : Journal 2004
" S'il est un thème qui ne m'a jamais quitté, et dont j'espère qu'il est bien repérable d'un bout à l'autre de mes travaux et jusqu'en leur moindre recoin, c'est celui de l'incommensurabilité, entre notre intelligence - et d'abord la mienne, bien entendu - et l'ensemble de la connaissance, l'ensemble du monde sensible, la totalité du monde tout court, avec ses villes, ses monuments, ses jardins, ses balustrades, ses campagnes, ses chemins de traverse, ses solitudes, ses bibliothèques et tous leurs livres, ses musées et tous leurs tableaux, ses salles de concert et toutes leurs musiques, ses collections de disques et tous leurs disques. La mesure de cette incommensurabilité, il va sans dire que c'est le temps. Nous n'avons le temps que de gratter une part infime de ce qui pourrait être connu, vu, compris, aimé, éprouvé. C'est pour cette raison que l'ennui m'est totalement inintelligible. " Corée et poésie sont assez présentes cette année-là, et se mêlent un peu abusivement pour donner son titre au volume, par le biais du "Dialogue d'Angoisse et de Désir", dans Pierre écrite, de Bonnefoy : Et je pense à Coré l'absente ; qui a pris Dans ses mains le cœur noir étincelant des fleurs Et qui tomba, buvant le noir, l'irrévélée, Sur le pré de lumière - et d'ombre. Je comprends Cette faute, la mort. Asphodèles, jasmins Sont de notre pays. Des rives d'eau Peu profonde et limpide et verte y font frémir L'ombre du cœur du monde...