Le roi René
Jean Favier, grand-officier de la Légion d'Honneur, Grand-Croix de l'Ordre national du Mérite, commandeur de l'Ordre des Palmes académiques et commandeur de l'Ordre des Arts et Lettres, a publié de nombreux ouvrages, notamment Un Roi de marbre : Philippe le Bel - Enguerran de Marigny (Fayard, 2005) et Les Papes d'Avignon (Fayard, 2006). C'est d'avoir écrit sur Louis XI que lui est venue l'idée de se pencher sur le roi René.
Egalement touchés par une vue légendaire et par l'imagination littéraire aussi bien qu'artistique, les deux personnages apparaissaient l'un et l'autre comme fils de leur temps mais avec des personnalités en tout différentes et des destins en tout opposés. Qui fut René d'Anjou ? Qui fut ce prince que ses contemporains ont appelé Regné, Reinier ou Reignier et que l'usage des cours comme celui de sa propre administration appela très vite et durablement «le roi de Sicile» ? Le personnage est multiple. Et d'abord par ce qu'il a vécu. Né en 1409, mort en 1480, voilà qui en ce temps-là signifie plusieurs vies.
Ensuite parce que, au long de ces vies, sa position a plusieurs fois changé du tout au tout. Beau-frère du triste roi de Bourges, puis du grand Charles le Victorieux, il finit oncle de l'homme d'Etat qu'est Louis XI. Quoi de commun entre le coureur d'héritages lorrains, le captif de Bourgogne à l'impossible rançon, le malheureux défenseur d'un royaume italien, le concurrent aventuré d'une couronne espagnole ? Entre le prince qui se veut une puissance et celui qui n'aspire plus qu'à la tranquillité ? Entre le défenseur du Castel del Uovo et le roi des gardons. Et, pour troubler un peu plus la vue de l'historien, voici un ensemble territorial dont les parties n'ont entre elles aucun point commun, ni les hommes, ni les institutions, ni l'économie. Elles n'ont pas même une place commune sur l'échiquier des alliances européennes. Or, sans y compter les couronnes chimériques de Jérusalem ou d'Aragon, on aura vu René d'Anjou régner sur un royaume vassal du Saint-Siège, un apanage de France et une principauté d'Empire... L'antithèse quasi parfaite de son contemporain et parent Louis XI. Moins inquiétant, plus aimable, René d'Anjou a légué aux générations futures un véritable trésor artistique.