Saint-Onuphre : Un après-guerre à l'ombre d'un clocher parisien
« L'idée d'écrire ce livre, c'est-à-dire de donner quelque substance à des souvenirs, m'est venue à l'improviste le jour où je me suis avisé qu'un monde que j'avais connu finissait de disparaître et que ceux qui, comme moi et tant d'autres, en avaient fait partie en perdaient la mémoire. Il m'a paru possible et peut-être souhaitable de fixer le souvenir. Même s'il fait sourire le lecteur, ce livre n'est ni de caricature ni de polémique. C'est un monde, un petit monde, vu par le petit bout de la lorgnette. Car la lorgnette a deux bouts, et le petit n'est pas moins objectif que le gros. Ce qu'on y voit n'a rien d'irréel. Et je n'ai inventé ni un personnage ni une anecdote. J'ai simplement changé les noms et, deux ou trois fois, changé le lieu. Ce que je décris n'est pas, non plus, une galaxie isolée dans un univers autre. Le lecteur se rappellera que cette histoire n'a pour cadre ni la France peuplée de téléviseurs ni l'Église remodelée par Vatican II, mais une paroisse parisienne aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale. La guerre a profondément marqué la société, mais à l'horizon d'un clocher les choses changent lentement. En l'absence des hommes mobilisés et souvent prisonniers, les femmes ont pris de nouvelles responsabilités et elles ont désormais le droit de voter, mais elles sont encore très nombreuses à n'avoir aucune occupation professionnelle. La femme au foyer, la femme qui tient sa maison, la « ménagère », c'est encore une réalité qui donne ses contours à la vie quotidienne. L'enfant qui rentre de l'école trouve souvent sa mère qui lui donne son goûter qu'on appelle encore un quatre-heures. Si le dynamisme démographique des lendemains de la guerre se traduit par la fréquence des voitures d'enfant dans la rue et au bas des escaliers, c'est encore la France des enfants uniques qui peuple les établissements d'enseignement, les mouvements de jeunesse et le service militaire. » J.F.