Les origines de la culture : Entretiens avec Pierpaolo Antonello et Joao Cezar de Castro Rocha
Avec deux hypothèses, l'une sur le désir mimétique, l'autre sur le bouc émissaire, René Girard a bouleversé, depuis quarante ans, le champ des sciences humaines. Sa théorie, qui a replacé le christianisme au coeur de l'anthropologie, est aussi l'une des rares, depuis Durkheim, à tenter d'expliquer les phénomènes culturels et sociaux en remontant à leur origine. Au point que c'est de la ritualisation de cet événement premier que seraient nés les groupes sociaux et les mécanismes qui les protègent : tabous, normes, institutions. Mais seul le sacrifice du Christ, affirme René Girard, dévoile le meurtre fondateur.Répondant aux questions de Pierpaolo Antonello et de João Cezar de Castro Rocha, l'auteur de La Violence et le Sacré éclaire la nature de son entreprise : une théorie du chaos appliquée à l'anthropologie. Il revient pour cela sur les grandes étapes de sa vie et de sa carrière, évoque la réception de son oeuvre en France et dans le monde, et ses chantiers en cours. Face aux critiques qu'on n'a pas manqué de lui faire, mais aussi aux questions brûlantes de l'actualité, il formule différemment ses thèses (sous la forme d'un darwinisme revisité) et propose des analyses inédites : ainsi des pages sur l'Inde védique ou d'autres, plus polémiques, contre Régis Debray et ce qu'il est convenu d'appeler le « retour du religieux ». Cette autobiographie intellectuelle apporte un éclairage singulier sur l'une des pensées les plus stimulantes de notre époque. L'itinéraire de ce chercheur totalement indépendant apparaît de fait exemplaire. En restant à l'écart des écoles de pensées, des modes académiques, voire des compromis institutionnels, René Girard a su se ménager un surprenant espace de liberté. Le prouvent le nombre et la qualité des recherches interdisciplinaires que cette oeuvre suscite : autant de prismes nécessaires pour penser l'origine.