Le Journal de Louise B.
Un roman noir. Noir, par son genre. C’est un polar haletant. Noir aussi par l’inspiration, et le sombre éclairage qu’il jette sur notre époque. Un livre terrible, juste, profond. Louise Anarcange, trente et un ans, ne quitte jamais son foyer, où elle vit sous la coupe d’un père jaloux. Sauf une fois. Ce jour-là elle est violée par une bande de lycéens. Louise Anarcange, Louise A., devient schizophrène. Elle s’invente un double, Louise B., qui exercera sa vengeance contre les hommes. C’est le début d’une série de meurtres. Dans cette noirceur, cependant, on verra qu’il reste de la place pour un peu de pureté. Et l’espoir d’un monde plus juste.
D’un côté une femme victime, mais aussi meurtrière, de l’autre un flic alcoolique qui a perdu toute illusion… Les personnages ici ne trichent pas avec le genre, même si les archétypes sont revus à la lumière du monde contemporain. Partagés entre leurs rêves de pureté et une existence difficile, les héros de ce roman montrent que la frontière entre le Bien et le Mal demeure plus floue que jamais. Louise est à la fois l’enfant cloîtrée, la femme aux désirs refoulés, la victime et l’assassin, l’ange exterminateur. Son père, le docteur Anarcange, accoucheur à la retraite, dont la jalousie est la cause de tout, est devenu un vieillard effaré par les conséquences de sa perversité. Il reste toujours capable du pire sans doute. Mais peut être aussi du meilleur… Face à Louise, il y a encore ce flic, Kowalski, géant obèse, hanté par son passé. Témoin, après le premier meurtre, de la fuite de Louise, il va tricher avec son métier et se laisser fasciner par la criminelle…
Jean Vautrin prend le roman policier au sérieux. Avec lui, ce genre dévoile toute l’ampleur de ses ressources. Porté par une langue et un style forts, il devient l’instrument d’une bouleversante critique sociale.
La violence de Louise n’est que l’exemplarité de son désespoir. De notre désespoir. Jusqu’au bout, Louise A. espère la venue du prince. Louise B. dit qu’il n’existe pas. Qui a raison ? Faut-il croire à l’idéalisme ? Faut-il se fier aux ténèbres ? La seule chose sûre : dans notre société, la violence se trouve à tous les carrefours de la présence humaine. Et le chaos est dans les cœurs et les esprits. Cela, Jean Vautrin nous le dit avec un langage étonnant de souplesse, capable, selon ce qu’il doit exprimer, de la plus grande verve, de la plus grande crudité, de la plus grande poésie.