Le fleuve
" Quand le rideau se tire, la musique commence et les show girls, trois filles patibulaires, à moitié nues, apparaissent en se trémoussant. Elles ondulent des hanches en regardant le plafond d'un air ennuyé, se massent les seins comme elles attendriraient la pâte à pain, trébuchent sur leurs hauts talons, et si la musique n'était pas trop forte on les entendrait soupirer. Le spectacle est désolant. Un vieux se lève et se met à danser devant une des filles, en souriant de sa bouche édentée. Elle laisse tomber sur lui la coulée sombre de son regard haineux, et continue de se balancer d'une jambe sur l'autre. " Pour retrouver celle qu'il aime et qu'il a perdue, le narrateur remonte le cours du fleuve comme il remonte celui de sa vie. Tandis que resurgissent parmi les gens du bord de l'eau les ombres du passé, la jungle amazonienne, inquiétante et dangereuse, l'enserre de plus en plus étroitement.