Prestige et Infamie
Pourquoi, à un homme parvenu au faîte de sa carrière, tout lui a réussi, il occupe une place éminente dans la société, pourquoi à ce vainqueur, vient-il insidieusement ou tout à coup le besoin de se détruire ? Cette question a hanté très jeune Dominique Fernandez, lui-même fils d’un écrivain qui a connu la gloire avant de sombrer dans la déchéance. Depuis la parution de Ramon, chez Grasset, en 2009, nous savons que cette obsession est aussi au centre d’une grande partie de son oeuvre. Ce volume rassemble quatre romans majeurs de l’écrivain : Le Dernier des Médicis, Signor Giovanni, La Course à l’abîme et Dans la main de l’ange (Prix Goncourt en 1982) et autant de portraits de personnages qui ont connu ce passage du prestige à l’infamie. Le premier est Gian Gastone, l’héritier d’une lignée prestigieuse, celle des Médicis. Prenant le contre-pied de la tradition familiale, celui-ci a délibérément mené une vie de turpitudes en tous genres, qui l’a plongé dans les bas-fonds de la cité florentine. Sa volonté d’autodestruction et de subversion sociale est un défi permanent à l’ordre dynastique. On retrouve ce même travail de sape chez Winckelmann, le héros de Signor Giovanni, grand savant en quête du « beau idéal », dont la vie bascule soudain dans le désir de se « dévaloriser » et de côtoyer le pire. La Course à l’abîme raconte l’ascension d’un jeune peintre de génie, Le Caravage, lequel, à force de provocations et de dépravations, dans son oeuvre comme dans sa vie, connaît une descente en enfer jusqu’à disparaître, suicide ou assassinat, dans des conditions jamais élucidées. La dernière de ces destinées maudites est celle de l’écrivain et cinéaste Pier Paolo Pasolini assassiné sur une plage d’Ostie en 1975 dans des conditions restées elle aussi très mystérieuses. Dominique Fernandez y raconte l’acharnement d’un créateur à démentir l’image qu’on s’est faite de lui et à s’inventer une double identité, où la solidité le dispute à la fragilité et au déchirement.