Lancelot ou Le Chevalier de la charrette
"On croyait tout connaître, jusqu'ici, de la figure de Lancelot et des thèmes qui parcourent les aventures de celui qui est devenu le type même du fin amant, de celui qui accepte de tout perdre en ce monde pour pouvoir tout gagner dans le royaume de l'amour. Que proclame, en effet, le Chevalier à la charrette ? Sinon que la femme est reine d'une absolue royauté dans l'absolu de l'amour, et que, pour accéder à son coeur, l'homme ne trouve qu'une seule voie, misérable et sublime - la voie du sacrifice ? D'avoir renoncé à la gloire, qui aurait dû lui valoir l'estime, le coeur et l'âme de la femme, permet à Lancelot de les conquérir à jamais dans un autre registre qui n'est plus de ce monde - même s'il irrigue et éclaire les tourmentes et les luttes, indécises, ambiguës, mêlées d'ombre et de lumière, qui caractérisent notre terre. Pour rendre l'éclat de diamant de cette féerie, brouillé par la distance des époques et par notre incapacité à lire nos textes médiévaux, il fallait tout ce qu'apporte le talent rare et singulier de Claude Duneton, et qui répond au souci de toute son oeuvre et sa vie : ce souci du langage, cette joie à user d'un vocabulaire retrouvé où les mots sont chargés de leur poids de terre et d'odeurs, cette jubilation de dire qui réincarnent pour nous Lancelot et Guenièvre, et Arthur, et Gauvain, et tant d'autres qui n'étaient plus que des fantômes de rayonnages - et qui recouvrent soudain comme leur chair vivante, frémissante, qui se balade sans arrêt de la boue des marais à l'infini de l'air bleu. Grâce à Claude Duneton, grâce à Monique Baile aussi qui fut ici sa complice, voici que Lancelot nous parle de nouveau - voici qu'il nous parle aujourd'hui."