Capitalisme et pulsion de mort
Dans les années 1930, le monde capitaliste, promis à une éternelle croissance, a traversé une grave crise économique, qui a débouché sur la Deuxième Guerre mondiale. Keynes et Freud, contemporains de cette période, ont chacun dans leur domaine porté un regard critique sur l'évolution de notre civilisation. Si la raison d'être de l'économie était au départ de résoudre le problème de la rareté, pourquoi la course à l'accumulation des richesses semble-t-elle sans fin et aveugle aux maux qu'elle engendre pour l'humanité ? En mettant en lumière les nombreuses similitudes entre les analyses de ces deux penseurs (les deux hommes ne se sont jamais rencontrés, mais on sait que Keynes fut un lecteur attentif de Freud et que ce dernier fut impressionné par certaines oeuvres du maître de Cambridge), Gilles Dostaler et Bernard Maris ébauchent une vision freudo-keynésienne de l'argent et du capitalisme. Freud et Keynes étaient convaincus qu'il existe au coeur de l'homme comme de sa société une pulsion inexpugnable, un désir de mort, qui prend la forme du désir d'argent. Que peut-il y avoir au-delà du capitalisme et de son énergie mortifère ? Sur ce point, leurs réponses divergent. Si Freud se montre pessimiste, alors qu'il assiste à la montée en puissance du nazisme, Keynes imaginait qu'à l'horizon 2030, les hommes auraient mis fin au problème de la rareté, reléguant l'économie au second plan pour se consacrer enfin à la culture et à l'art de vivre.