Virginia Woolf
Virginia Woolf est une compagne de toujours de Viviane Forrester. Celle-ci lui consacra une série d'émissions sur France-Culture, reprise par Maurice Nadeau en un petit livre paru en 1973 ; un film aussi, demandé par Bernard Pivot. Elle n'a jamais cessé depuis d'entretenir avec l'oeuvre une relation intense.
Elle a lu, relu, exploré, les innombrables documents parus après 1973 (lettres, journaux, mémoires de Virginia, mais aussi de tous ses proches), elle a pénétré dans l'intimité qu'ils recèlent, y a découvert une réalité jamais prise en compte dans les nombreuses biographies parues. C'est ainsi qu'elle se promit un jour de publier une vie de Virginia. La voici. Le récit est bouleversant. Virginia Woolf y jaillit, vivante, poignante, contradictoire, chatoyante et fragile, désopilante et meurtrie.
Qu'elle soit dans la plénitude ou en proie aux tourments, elle fait trembler d'émotion, souvent ployer de rire, parfois la détester. Mais elle est avant tout différente de sa légende, une histoire essentiellement tramée par son mari Leonard, un homme qui fut longtemps certain d'être à jamais un raté, lui qui avait été relégué à Ceylan après des années brillantes à Cambridge, et qui, aux abois, épousa cette Virginia Stephen si bien intégrée dans le milieu social qu'il rêvait de retrouver. Elle-même, si belle, désespérait à trente ans de trouver un mari. Il sculpta dès lors sa propre statue à travers le mythe de sa femme, la donnant, par exemple, pour frigide alors qu'il avait, lui, horreur du corps des femmes. Dans la ronde de ceux qui entourent Virginia, chacun se découvre ici à travers ses secrets, ses masques, souvent ignorés d'elle et, jusqu'ici, négligés. Mais surtout, de Virginia Stephen, née en 1882, à Virginia Woolf, suicidée en 1941, se livre à vif, à nu, sous mille facettes, et dans une lumière neuve, une femme apte à étreindre le monde et qui s'efforça, sa vie durant, de faire accepter son génie par les siens.
Une femme qui aura pu dire : « Je sens dans mes doigts le poids de chaque mot », avant de répondre à l'appel de l'eau et à « l'étreinte » promise par la mort en allant se noyer, les poches pleines de pierres, dans la rivière Ouse. Un suicide dont on découvre, ici encore, qu'il eut aussi certaines raisons navrantes, que personne n'avait jusqu'alors aperçues.