Ce n'est pas la pire des religions
Je ne sais trop comment ça m'a pris, ou plutôt repris, aux alentours de la cinquantaine. Mais c'est devenu évident. Je me sens plutôt bien avec Jésus, dont le propos est quelquefois plus déroutant qu'on ne l'imagine ; mais il aimait la Samaritaine, le centurion, le publicain, la femme adultère, et les malades et les pécheurs. Je me sens plutôt bien avec la Vierge Marie, qui a les idées larges, et sur qui il me semble que je peux vaguement compter (peut-être aussi comptet- elle un peu sur moi). Je me sens plutôt bien avec cette vieille église de Rome, si compliquée, si historique, si couturée. C'est quand même ma maison. Ces dernières années, je me suis lié d'amitié avec Jean-Marc Bastière, qui avait senti tout cela un peu plus vite que moi. Nous avons souvent bavardé, puis échangé des courriels sur le sujet. Nous en avons fait ce livre à deux voix. Je n'ai rien à prêcher à ceux qui sont loin ou qui sont ailleurs. Je me sens juste mieux avec, que sans. François Taillandier Il n'y a pas pire dessein que de vouloir défendre le christianisme. C'est un truc de tiède qui n'attire que le mépris. Celui qui aime n'a pas besoin de se justifier. Embrasé de passion, il ne peut retenir le trop-plein de son coeur. Celui-là va au fond des choses, celles du corps, du sentiment et de l'intelligence. Il est possible que, dans ce dialogue, nous choquions certains nouveaux dévots. Molière est toujours d'actualité, seuls les conformismes ont changé. Ce n'est plus : « Cachez moi ce sein... », mais « Cachez-moi ce Dieu que je ne saurais voir... » Mon itinéraire n'est pas celui de François, mon aîné dont j'apprécie tant les livres. Mais tous les chemins, on le sait, mènent à Rome. Certes, je me méfie des témoignages : la vie nous réserve toujours des surprises de dernière minute. Depuis mon enfance, j'ai vécu une suite de morts et de résurrections. Et en moi coexistent les deux France, la laïque et la catholique. Mais c'est toujours la même histoire d'amour.