D'où je suis je vois la lune
Moon a choisi la rue parce qu'elle a décidé d'être « elle-même dans ce monde où les gens sont devenus des autres ».
Moon ne fait pas la manche, elle vend des sourires.
« Je dis : Avec cinquante centimes d’euros, qu’est-ce qu'on achète à notre époque ? J’insiste, il accélère, petite pirouette : Non sans dec, à ce prix, franchement, tu trouves des trucs intéressants à acheter ? Le type finit par s’arrêter, il se demande où je veux en venir, et c’est là que je sors le grand jeu, touti et compagnie, je dis : Un sourire à ce prix-là, c'est pas cher payé ! Et j'attends pas qu'il accepte, je lui refourgue un putain de petit sourire façon majorette à dentelle, épaule en arrière et tête haute. Le type soupire, il pense qu’il se fait avoir. Il n’a que dix centimes, je lui fais quand même le sourire en entier. Je suis pas une radine.
» Moon n'est pas une sans-abri, mais une petite paysanne des rues qui a posé ses cartons place du marché aux fleurs. Elle observe avec malice le manège des gens pressés.
Moon n'est pas seule, il y a Michou et Suzie avec leur caddie, Boule, son crâne rasé et sa boule de billard à dégainer en cas de baston, les kepons migrateurs qui « font les beaux avec leur crête de toutes les couleurs du printemps à l’automne et disparaissent à la première gelée », et surtout, il y a Fidji et ses projets sur Paname. Pour lui, elle a décidé d’écrire un roman, un vrai.
« Je me suis mise à inventer des détails que j'imagine moi-même. Quand je les écris, ils deviennent réels, encore plus que mon carton, je me suis même inspirée de Comète, je l’ai regardée faire son cirque et j'ai inventé un chien dans l’histoire, un chien qui s’appelle Raymond, c'est une sorte de père de Comète, un père imaginaire évidemment. Et puis j'ai inventé un père aussi, un père à Fidji, un homme avec des idées et beaucoup d’honneur, un homme comme on croise dans les vieux films, avec le regard très profond et beaucoup d’humanité. Et puis Fidji, je lui ai donné un autre nom et en fait, c'est devenu une petite fille, une môme qui me fait du bien rien que d'y penser. »
Et il y a Slam qui sort de prison, Slam qui aime les mots de Moon et qui a une certitude : un jour, elle décrochera la lune.