Mali, ô Mali
Voulez-vous les dernières nouvelles du Mali ? Un guide que vous connaissez bien, Mme Bâ Marguerite, se propose de vous y emmener. Rappelez-vous : comme on lui refusait son visa, elle avait expliqué à la République française qui elle était. Ensuite, de mauvaise humeur, elle avait traversé quelques déserts et la Méditerranée pour tenter de retrouver son petit-fils happé puis abandonné par les agents recruteurs du Paris-Saint-Germain. Dix ans plus tard, tous deux retournent dans leur pays menacé par les djihadistes. Il faut dire que Mme Bâ, qui n'est pas humble de nature, se prend pour une Grande Royale, une Jeanne d'Arc africaine. Et l'ex futur footballeur est devenu musicien, c'est-à-dire griot, embauché par sa grand-mère pour raconter sa campagne de libération mi-glorieuse, mi-désespérée. Sur les pas de ce duo, vous rencontrerez les femmes échappées de justesse aux horreurs de la charia. Dans un camp, au nord de Nyamey, vous jouerez avec 3 000 enfants réfugiés. Vous découvrirez l'économie très puissante et très illégale dont vit grassement le Sahara. Vous ferez connaissance avec des petits capitaines, soldats d'opérettes, terrorisés par les combats. Vous tomberez sous le charme de leurs épouses prédatrices, frénétiques de la Visa Premier. Vous remonterez le fleuve Niger en échappant à toutes sortes de périls. Vous verrez comment et pourquoi bandits et djihadistes s'entendent comme larrons en foire. Vous atteindrez juste à temps Tombouctou pour assister à l'arrivée des Français. Vous participerez à la liesse générale sans réussir à faire taire en vous une petite voix sceptique : l'expédition Sarkozy en Libye avait chassé les gangsters vers le Mali. L'expédition Hollande les a renvoyés en Libye. Donc ils sont toujours là. Donc ils reviendront. Tant que les jeunes, toujours plus nombreux, n'auront d'autres perspectives que se faire engager par Aqmi ou par un trafiquant ou par les deux à la fois. Surtout vous plongerez dans la réalité du Mali, sa vaillance, sa noblesse. Mali, ô Mali ! Comment ne pas comprendre que ta fragilité est la nôtre ? Comment ne pas écouter tes musiciens, comment ne pas regarder travailler tes tisseurs ? Comment ne pas comprendre que c'est ainsi, par le chant commun et par le tissu, qu'on fait un pays de toutes les diversités ?