Fahrenheit 2010
« Tu l'aimes ton travail. À ce point ce n'est plus un travail mais une passion. Ta passion est de vendre des livres, partager des monceaux de littérature et respirer au milieu des chefs-d'oeuvre, les protéger et les servir. Tu lis, tu lis encore, tu lis toujours, tu cherches et tu trouves, une langue, des histoires, un vertige incomparable, infini voudrais-tu. Tu es libraire.
Étais. C'est fini la passion, la destruction a commencé. En 2010, plus besoin de 451° fahrenheit pour faire disparaître les livres, certaines librairies sont là pour ça. Non, le livre à vendre n'est pas une marchandise de plus. À y travailler et ne pas l'oublier, on se grandit. C'est sacré, les livres. En vertu de quoi des librairies, ces lieux couverts de livres, ne le seraient-elles pas, elles aussi ? Et si tu faisais confiance aux mots encore une fois, et s'il y avait un livre là-dedans. Un livre qui raconterait comment on en arrive à supprimer ce que l'on aime le plus et à se détruire soi au passage. »
Isabelle Desesquelles est libraire depuis quinze ans. Depuis peu, son univers tapissé de livres explose sous la pression d'une multinationale avide de faire du chiffre, et non de servir le futur lecteur, seule richesse de son métier. On lui ordonne de se débarrasser au plus vite de son stock au profit de stocks piles. On lui demande de participer à un séminaire qui termine dans une boîte où des femmes dénudées se trémoussent sous ses yeux. De porter des gilets orange pour bien faire comprendre au client qu'il est en présence d'un vendeur, pas d'un passionné.
En vingt chapitres, l'auteur raconte une vie vouée aux livres, habitée par la littérature, sauvée par la fiction. En vingt chapitres, elle dit l'absurde, la détresse, la violence dans lesquels on peut s'enfoncer sûrement et pas si lentement en voulant défendre ces quelques milliers de livres auxquels nous devons tout. Poussez la porte et entrez dans le monde de Blondinet, Gus, Beurk et les autres.