La confusion des peines
« J’ai toujours su qu’un jour, ce livre, je l’écrirais. Il m’a fallu du temps. Il m’a fallu écrire d’abord d’autres livres, plus doux, plus feutrés, inventer des histoires, sans doute tentatives d’approche de celui-ci. Un jour d’août 2009, parce qu’il ne pouvait plus en être autrement, j’ai su que j’allais enfin affronter ce autour de quoi j’avais toujours tourné.
On écrit de très loin. De ce qui ne peut se dire. Vient un moment où écrire, c’est aller chercher tout ça, qui se tenait enfoui, secret, pour le libérer enfin, afin de pouvoir continuer à vivre. La confusion des peines, c’est le livre d’une fille pour son père. La fille, la narratrice, prend appui sur le silence qui depuis dix ans a entouré la condamnation de son père et, dans le même temps, la mort de sa mère, pour tenter de retracer un cheminement : qui est cet homme, qu’enfant elle a aimé d’un amour fou, qui lui apparaissait tellement au dessus des autres, qui un jour s’est brutalement retrouvé condamné pour corruption, et qu’aujourd’hui elle ne sait plus rejoindre ? Comment comprendre, accepter, qu’un homme n’est pas un mais multiple, secret, contradictoire, faillible – humain ? Et, ce cheminement étant fait, comment sortir du silence qui la lie depuis toujours à ce père, si proche et si lointain, pour s’arracher à lui et exister enfin ?
N’être plus la fille, devenir une femme ? La confusion des peines, c’est cette expérience : celle, miraculeuse, que permet l’écriture : passer d’une rive à une autre – naître, enfin. » Laurence Tardieu