Joë

« Durant des mois, je vous ai lu, j'ai vécu avec vous, et vous avez été l'objet de bien de mes pensées ; durant tous ces mois, je savais que quoi que m'eût apporté ma journée, le soir, bien calé sur mon lit et dans le creux de mon oreiller, je retrouverais l'atmosphère bienveillante de votre chambre de la rue de Verdun à Carcassonne, les lourdes tentures tirées devant la porte et les fenêtres aux volets fermés, le grésillement de votre pipe d'opium et les volutes bleutées s'élevant doucement vers le plafond, dans les craquements secs de la maison prenant sa place pour la nuit, avec aux murs les tableaux de Dali, Max Ernst, Dubuffet, veilleurs de vos songes étranges. Et pour peu que je doive, pour dormir un peu, prendre un cachet de morphine, j'aurais le sentiment de communier avec vous dans la bousculade de mes pensées ; les mots auraient un sens, et pour une heure ou deux, je serais poète avec vous. » G. de Fonclare
« Ma blessure existait avant moi, je suis né pour l'incarner », écrivit le poète Joë Bousquet, qui, blessé durant la Grande Guerre, vécut alité plus de trente ans.
Dans la lignée de son très beau récit Dans ma peau, Guillaume de Fonclare propose ici un portrait subtilement croisé. Pris comme Joë au piège de son corps, il puise des réponses universelles dans la vie d'un homme qui n'a cessé de s'interroger sur le sens donné à sa blessure et à son existence, sur les pouvoirs de l'écriture.