Mensonge romantique et vérité romanesque
L'une des idées maîtresses de l'oeuvre de René Girard est déjà exposée dans ce premier livre, paru en 1961, aujourd'hui considéré comme un classique de la critique littéraire : l'homme est incapable de désirer par lui seul, il faut que l'objet de son désir lui soit désigné par un tiers. Ce tiers peut être extérieur à l'action romanesque : comme les romans de chevalerie pour Don Quichotte ou les romans d'amour pour Emma Bovary. Il est le plus souvent intérieur à l'action romanesque : l'être suggérant leurs désirs aux héros de Stendhal, de Proust ou de Dostoïevski est lui-même un personnage du livre. Entre le héros et son médiateur se tissent alors des rapports subtils d'admiration, de concurrence et de haine : René Girard fait un parallèle lumineux, ascendant, entre la vanité chez Stendhal, le snobisme chez Proust et l'idolâtrie haineuse chez Dostoïevski.