Les hommes n'en sauront rien
Pour survivre aux prisons japonaises dans l'Indochine occupée, Ambroise Vincent, le héros de Dunkerque et des maquis tropicaux, renseigne-t-il les Russes ? Afin de savoir si cet agent, sans doute le plus remarquable du service, est un lâche ou un traître, D. (Ducruech), son chef, lui tend un piège : Claire, une jeune recrue. Vincent, comme chacun d'entre nous, attend depuis toujours l'heure de sa délivrance. Et Claire s'en ira, coupable et enchaînée à son tour au secret. Roman d'espionnage ou conte oriental ? On ne saura pas, tant les deux genres s'apparentent dans le mélange mesuré de cruauté et d'indulgence que révèle une observation, presque tendre, des héros. Le folklore des services secrets est dépeint de l'intérieur : lutte sournoise et universelle de l'invisible avec le visible, goût du secret, manoeuvres de dissimulation et pseudo-énigmes, autant de signes du destin. Enfin la banalité du courage quotidien, un oeil sur le front ennemi et l'autre sur le tableau d'avancement, le portrait d'une bureaucratie dérisoire et héroïque, dans cette France de l'après-guerre où le soupçon divise encore les hommes de devoir tandis que plane la nostalgie de l'Est, de Sedan à Moscou. Ni hasards ni coïncidences. Il n'y a que des fiches tenues par des hommes sur d'autres hommes. A moins qu'il n'existe autre chose dont on ne sait rien, et à quoi le plus puissant d'entre nous ne fait jamais qu'obéir.