La tentation de l'innocence
Rien n'est plus difficile que d'être libre, maître et créateur de son destin. Rien de plus écrasant que la responsabilité qui nous enchaîne aux conséquences de nos actes. Comment jouir de l'indépendance en esquivant nos devoirs ? Par deux échappatoires, l'infantilisme et la victimisation, ces maladies de l'individu contemporain. D'un côté, l'adulte, choyé par la société de consommation, voudrait garder les privilèges de l'enfance, ne renoncer à rien tout en étant diverti en permanence. De l'autre, il pose au martyr, même s'il ne souffre que du simple malheur d'exister. Double démission qui n'est pas sans danger : voici les rapports hommes/femmes vécus sur le modèle de la guerre ou de la sécession, le refus de grandir érigé en valeur absolue, le juridisme croissant qui cherche toujours l'opprimé sous le plaignant, et partout, dans notre Europe prospère, le culte du maudit dans le confort. Les bien-souffrants seraient-ils nos nouveaux bien-pensants ? N'est-il pas temps alors de ne plus confondre la liberté avec le caprice ? La peur et la faiblesse sont-elles le prix à payer pour notre refus de la maturité ? Enfin, comment maintenir la démocratie si une majorité de citoyens aspire au statut de victime au risque d'étouffer la voix des vrais déshérités ?