Les Menteurs
Le Livre: L'auteur laisse tomber ici le masque qu'il portait encore dans ses fictions « historiques » pour se dévoiler à travers les scènes fondatrices de ce roman des origines : son « Age d'homme ». Il lui a fallu pour cela se diviser en une trinité de personnages, Karine, Claire et Pierre, camarades en 1975 de la même hypokhâgne au Lycée du Parc à Lyon. Sur la photo de classe, Claire avait les cheveux teints au henné et portait des jupes gitanes. Karine, surnommée « la reine de glace » pour sa froideur d'apparence et son côté « Botticelli blafard », rêvait à la chaleur artificielle des défilés de mode. Pierre cachait sous la nonchalance du dandy les ambitions d'un technocrate cultivé. La vie les a séparés mais trente ans après ils se retrouvent, nostalgiques, dans les jardins de l'Observatoire. Trente ans de mensonges ? « Nous ne sommes pas des personnages de roman, mais des personnages de mémoires. » Nous allons les suivre par les récits autobiographiques entrecroisés, intimes, ironiques, à fleur de nerfs, qu'ils font de leur existence passée : une chronique sur le vif. Nous allons vivre avec eux la désillusion d'une génération d'hommes et de femmes qui commencèrent leurs études sous la férule des structuralistes pour connaître leur maturité sous l'oeil de la télé-réalité. L'université et la presse, la mode et la politique, la télévision et le sexe : dérives et icônes décrites avec une drôlerie de trait dont Marc Lambron a le génie. Comment on a basculé d'Althusser à Elodie Gossuin. Comment on a milité sur le campus de Berkeley, dérivé à Madrid pendant la Movida, suivi les cours de Foucault, pour finir floués sous Messier. Comment le Dieu-Langage fut converti au Roi-Dollar. Elle est loin, la révolution. Tous pourris ? Pas si sûr : ce roman montre parfois la probité des consciences. 1975 - 2004 : deux femmes, des vrais caractères entre Prada et le Collège de France, un homme, moins assagi qu'il n'y paraît, racontent aussi leur guerre de trente ans. « Gueules cassées de l'amour », entre le fléau Sida et la punition couche-culotte, le célibat et la famille recomposée. Ils se sont aimés, ils ne s'oublient pas, ils le disent ici en une ronde générationnelle, une danse amicale sur les cendres de l'époque.